Le rapport venant de sortir, je reprends mon post de début et le complète/corrige:
Le décollage d’Helsinki est sans problème, comme la montée, croisière et descente. L’avion est établi sur l’ILS 34 de Kittilä en configuration volets 5°, train rentré, sur le localizer et un seul pilote automatique engagé. L’automanette est engagée.
Quand l’avion arrive sur le glide vers 3250 ft, le trim profondeur électrique se déplace pendant 12 secondes vers « nose up » au lieu de seulement qq secondes comme le système le fait habituellement pour pré-régler un trim de remise de gaz. Ce déplacement du stabilisateur entraine alors l’avion vers un fort cabré, cabré entrainant une montée de l’ avion; la vitesse diminuant, l’automanette met alors pleine poussée sur les moteurs.
Cette poussée moteur élévée contribue encore à cabrer l’avion, la vitesse diminuant rapidement.
Quand l’assiette passe 12°cabré, les 2 pilotes poussent ensemble sur les manches, ils ne perçoivent pas que le pilote automatique ne s’est pas déclenché suite à leur pression sur les manches. Avec un seul pilote automatique engagé, l’effort pour faire débrayer le PA est de 11 kg (avec 2 PA, c’est 22 kg)
L’avion est alors dans les nuages et l’assiette atteint 38,5° les manches sont poussés en butée avant et l’action des pilotes sur le trim électrique fait sauter le PA ; la vitesse atteint alors 118 kts avant que le nez ne commence doucement à s’abaisser. L’avion ne décroche pas alors que la vitesse de décrochage sous 1 g (Vs1g) du jour est de 121 kts. Ceci est normal, car l’avion avait alors une accélération de 0.3 g.
AIBN
Pendant la première phase de l’incident (cabré de l’avion) aucune action sur le pilote automatique, ou sur le trim à piquer ou sur l’automanette n’a eu lieu. L’enquête indique qu’une ou plus de ces actions aurait pu améliorer la situation. D’autre part, la force exercée sur les manches aurait dû faire déconnecter le pilote automatique.
Les manches agissent normalement sur la gouverne de profondeur à une vitesse de 50° par seconde. Sur l’avion en cause cette vitesse de déplacement n’ a été que de 0,2 °par seconde soit un rapport de 1/250. Si la gouverne de profondeur ne répond pas (bloquage des 2 servo commandes PCU par exemple) c’est le stabilisateur qui se déplace pour maintenir le profil de vol voulu. On voit nettement sur cette photo le rapport de surface donc le rapport d’effet entre stabilisateur= stabilizer et gouverne de profondeur=elevator.
AIBN
Chaque servocommande PCU possède 2 bielles donc 4 bielles au total mais 2 des 4 ne sont pas protégées par un cache.
Vue de l'ensemble mécanique de la gouverne de profondeur:
AIBN "arrangé"
Lorsque le contrôle de l’avion devient effectif et que l’assiette repasse vers 10°, les pilotes tirent fort sur le manche ce qui fait remonter l’avion vers 16° avec une incidence de 25°, le vibreur de manche et alarme décrochage s’activent pendant 4 secondes. Les passagers n’ont manifesté aucune réaction à ces évolutions.
Les pilotes reprennent le contrôle de l’avion, se mettent en secteur d’attente pour analyser la situation et les systèmes avion ; ils ont pensé qu’une forte inversion de température avait pu provoquer cet incident. Après une ½ h d’attente, ayant de toute façon le carburant pour retourner à Helsinki, ils décident de faire une 2 ème approche, atterrissage normal. Après contact avec la maintenance, l’avion repart sans plus d’inspections poussées.
En attendant le résultat définitif de l'enquête, la procédure de dégivrage a été modifiée pour éviter les projections/accumulations de liquide dans la zone de queue de l’avion. Même esprit de modification du manuel pilotes, on laisse le réglage du trim à sa position calculée pour le décollage ; auparavant il fallait mettre le stabilisateur en butée manuelle pour faire écouler le liquide de dégivrage. Ceci est pour tous les Boeing depuis le début de l’année 2013. De plus Boeing étudie une meilleure protection mécanique de la zone concernée.
Les enregistreurs de vol ont été transmis à Boeing qui dans un 1 er temps a pensé à un blocage d’1 des 2 PCU (cercle sur la vue ci dessous). Puis ils ont arrivés à la conclusion que 3 des bielles des PCU avaient dû progressivement se bloquer par le gel des résidus de liquide, la température extérieure ayant été toujours très négative lors du vol.
AIBN
Des essais de pulvérisation de liquide de dégivrage ont été faits sur 3 avions dont l’avion en cause pour voir si le liquide pénétrait et avec quelle quantité dans le logement où se trouve toute la mécanique du circuit de gouverne profondeur. On peut aller visionner une vidéo via la page 26 papier. La quantité de fluide qui y pénètre est significative mais la nouvelle procédure demandant de ne plus incliner le stabilisateur lors du dégivrage permet une diminution du volume de liquide pénétrant mais ce volume est toujours important.
AIBN
La Cie avait déjà eu 8 cas de durs dans les gouvernes, SAS de même, ces 2 opérateurs volant essentiellement en atmosphère froide (Scandinavie)
Pour la partie procédures, le manuel donne 3 procédures d’urgence : récupération de nez haut à plus de 25°(nose up recovery), récupération de perte de contrôle (upset recovery), approche et récupération de décrochage (approach to stall and stall recovery), les points communs de ces 3 procédures sont de déconnecter pilote auto et automanette et de réduire les moteurs. Ce point clé a été rappelé par l’opérateur et par le constructeur qui a refait un petit engineering de ces procédures suite à plusieurs cas de perte de contrôle en vol.
Cet incident et plusieurs autres dont un sévère sur un 737-400 (seulement 2 bielles sur les PCU) avec cabré intempestif de l’avion à 40° à 20 ft du sol à l’atterrissage causé par un blocage mécanique, a conduit Boeing à modifier la procédure de dégivrage et sur le moyen terme à modifier design et protection du système de gouverne de profondeur pour rendre le système moins fragile au liquide de dégivrage et moins tolérant sur les cas de blocage.
Lien à venir vers le rapport...